Un évènement, une histoire à partager à la communauté Happy End ? Je partage mon témoignage

Dans un film documentaire « Et je choisis de vivre », Amande raconte le chemin traversé suite au décès de Gaspar, âgé de un an et part à la rencontre d’autres parents qui ont traversé le même drame.

Comment est mort votre fils Gaspar ?

Amande : Gaspar est né avec une malformation cardiaque. Les médecins se voulaient néanmoins rassurants. Notre fils était sous surveillance constante. A neuf mois, son état s’est aggravé. Il ne s’alimentait plus, ne pouvait plus bouger. On a passé trois mois à l’hôpital à ses côtés. Pendant son hospitalisation, la psychologue du service venait nous rendre visite une fois par semaine. Mais ce n’était pas des moments choisis. Quand mon fils est mort, personne n’est venu nous épauler. On est repartis chez nous, sans un conseil, ni un contact d’association. On s’est sentis très seuls… Heureusement que notre famille et nos amis étaient présents pour nous entourer.

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Comment vous est venu l’idée de cette marche filmée ?

Amande : Dix jours après l’enterrement de Gaspar, nous sommes partis marcher pendant dix jours avec Guillaume, mon compagnon. On avait besoin d’être dans l’action. Nous avions prévu des étapes et dormions chez des amis. Etre sur la route, échanger avec des êtres qui nous sont chers nous a fait du bien. Mais ça ne suffisait pas. … J’avais besoin de rencontrer des gens qui avaient vécu ce drame et qui s’en étaient sortis… Pour me prouver qu’un après était possible. J’ai cherché de l’aide auprès d’associations spécialisées dans le deuil et situées dans la Drôme. Certaines proposaient des dates de week-ends d’échanges. Mais il fallait attendre, s’organiser, se déplacer… Je n’avais pas cette énergie. Je suis allée voir Nans, mon ami depuis le lycée. Je lui ai demandé de l’aide. Je voulais rencontrer des gens qui pourraient me donner de l’espoir. A l’époque, je ne voyais plus l’intérêt de vivre… J’étais noyée dans la tristesse. Comment allais-je survivre ? Il fallait qu’on me montre la voie.

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Nans : Amande ne voulait pas partir au bout du monde s’entretenir avec des moines bouddhistes. Elle voulait compter sur la sagesse locale. Les gens qui sont venus à notre rencontre n’habitaient parfois qu’à quelques kilomètres de chez elle. Parfois, on pense que seule la fuite permet de survivre alors que l’on a énormément de ressources en nous et autour de nous pour s’en sortir.

« La mort de mon fils m’a fait découvrir des ressources insoupçonnées »

Amande, votre compagnon n’a pas souhaité participer à l’aventure du documentaire « Et je choisis de vivre ». On sait que la perte d’un enfant peut fragiliser voire détruire un couple, comment avez-vous fait face ensemble ?

Amande : Dans un couple, chacun vit le drame à sa façon. Quand il faut veiller un enfant à l’hôpital mais qu’un seul des parents peut être présent, ça éloigne. On n’a pas accès aux informations aux mêmes moments. Cela créé un décalage. Il faut beaucoup communiquer pour rester soudés. « Comment te sens tu ? », « Où en es tu ? »… On se posait sans cesse la question. Parfois, nous n’étions pas en phase. L’idée de film est venue de moi. Guillaume n’a pas la même façon de vivre la perte de Gaspar. Il n’a pas besoin d’en parler autant. Il nous a accompagnés dans l’aventure à sa façon, en s’occupant de la logistique. Mais il ne voulait pas apparaître à l’image, ni échanger avec ces gens. Nous sommes retournés voir un psy ensemble pour mieux comprendre ce décalage. Moi, je lisais beaucoup de témoignages, je parlais beaucoup à nos amis. Je voulais qu’il en fasse autant. Je ne comprenais pas forcément qu’il vive cette épreuve de façon plus solitaire.

A écouter : Comment parler de la mort aux enfants ? Les conseils d’Hélène Romano dans Happy End le podcast

En partant à la rencontre de personnes ayant perdu un enfant ou un petit-enfant dans « Et je choisis de vivre », vous espériez un message d’espoir. L’avez-vous trouvé ?

Amande : Oui. J’ai pu constater que perdre un enfant amenait forcément à une transformation profonde. Un tel drame est aussi un moteur pour changer, aller vers les autres, donner. Inévitablement, on se reconnecte à ses besoins profonds et cela passe aussi par une ouverture aux autres. On peut transformer cette épreuve en force. C’est ce que j’ai constaté avec la mort de mon fils…

Nans, comment avez-vous vécu cette expérience particulière ?

Nans : Quand Amande est venue me trouver, je n’ai pas fait de lien avec ma propre histoire. J’ai pourtant perdu une sœur, à l’âge de 16 ans, dans un accident de voiture. C’était un sujet tabou dans la famille. Personne n’en parlait. Le tournage de « Et je choisis de vivre » m’a donné envie de briser ce silence pour redonner à ma sœur sa place. J’ai cherché à en savoir plus, à comprendre. Ça a généré du dialogue, du lien, et une expérience de pardon, qui était indispensable. Cette année, nous avons fêté pour la première fois l’anniversaire de ma sœur en famille. Petit à petit, nous avons pu transformer le tabou en chagrin puis faire rejaillir les souvenirs, la gratitude et enfin nous avons pu laisser exploser notre joie de l’avoir connue. Ce film a changé ma vie.

Nans Thomassey et Amande, sur le tournage "Et je choisis de vivre"

L’équipe sur le tournage de « Et je choisis de vivre »

Dans notre société occidentale, peu de rites sont proposés pour permettre aux familles et aux proches de prendre le chemin du deuil. C’est d’ailleurs, en partie, la mission de Happy End. Amande, comment avez-vous réussi à symboliser le passage de Gaspar ?

Amande : La cérémonie d’enterrement de Gaspar était très belle. Nous sommes athées. Pour nous, l’église était exclue. Tout le monde portait des vêtements de couleurs. Ce sont nos trois meilleurs amis qui ont fait office de maîtres de cérémonie. Ils ont organisé les ordres de passages de ceux qui souhaitaient prendre la parole. Nos proches ont joué de la musique, lu des textes. Nous avons tous chanté. A la fin de la cérémonie, ceux qui ressentaient le besoin de s’exprimer, même si ce n’était pas prévu, ont pu le faire. Des enfants de ma classe (ndlr : Amande est institutrice) ont dit quelques mots.

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Un an après la mort de votre fils, vous décidez d’organiser une cérémonie pour rendre hommage à Gaspar.

Amande : Oui, nous avons organisé un week-end avec nos proches. Nous étions une quarantaine. On avait prévu des ateliers pour évoquer notre vision de la mort, du deuil mais aussi pour exprimer ce que chacun avait vécu au départ de Gaspar. Au cours de ces deux jours, nous avons fabriqué une montgolfière de quatre mètres de haut, dont chacun a cousu un morceau. On l’a faite s’envoler le dernier jour du tournage du documentaire. Au cours de ce week-end, on a aussi planté un olivier dans notre jardin. On en avait reçu un à la naissance de Gaspar. Ces deux gestes faisaient écho à un proverbe juif : « on ne peut donner que deux choses à un enfant : des racines et des ailes » C’était notre manière d’en faire don à Gaspar.

Nans : Ce sont des moments très forts qui montrent à quel point la communauté peut servir de soutien. Toutes ces discussions m’ont permis de vivre plus en paix avec la mort. Je réalise qu’on peut aimer, même après. Le lien n’est pas rompu. Nous sommes tous confrontés à un deuil au cours de notre vie. Et pourtant, c’est un sujet tabou qui fait peur à tout le monde. Du coup, quand ça nous arrive, on se sent démuni, seul, anormal… Et comme nos proches n’osent pas en parler avec nous, le sentiment de solitude est encore plus grand. Avec le film Et je choisis de vivre, nous espérons redonner de l’espoir, et montrer que le deuil n’est pas une fatalité. On souhaite encourager les gens à se réapproprier des rituels, à miser sur la solidarité du groupe, à dialoguer. Le deuil peut faire grandir notre capacité à aimer et à jouir de la vie.

Chaque année, vous organiserez une cérémonie souvenirs ?

Amande : Cela dépendra. Nous n’avons rien fait l’an passé. Mais cette année, nous avons organisé un nouveau rassemblement. Le thème était : « comment l’amour peut-il nous soutenir dans l’épreuve ? » Nos proches n’osent pas forcément nous interroger sur notre ressenti. Ils craignent de raviver notre douleur alors que nous avons besoin de parler de Gaspar. Ces moments nous permettent de l’évoquer, de se remémorer des souvenirs heureux. Cette année, on a beaucoup chanté, lu des textes et fait redécoller la montgolfière.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Amande : Je vais bien. A de nombreux moments, je me sens légère et joyeuse. La famille s’est agrandie : il y a deux ans, nous avons eu un autre enfant. J’ai consulté un thérapeute à la mort de mon fils et jusqu’à la naissance de son petit frère. C’était important pour moi d’exprimer mon chagrin, mes craintes, mes angoisses avant son arrivée. On parle très souvent de Gaspar à son frère. Ensemble, nous allons sur sa tombe. Gaspar fait partie de sa vie.

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