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Suite à la mort d’un proche, notre premier réflexe est de vouloir protéger nos enfants du chagrin, en leur en disant le moins possible. Il est pourtant primordial de leur annoncer un décès, de formuler ce départ définitif et de ne pas les écarter des cérémonies. Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre et auteur de « L’enfant face à la mort d’un proche », nous explique pourquoi.

« Maman, est-ce que toi aussi tu vas mourir ? Et quand est-ce qu’elle a fini d’être morte mamie ? »

La mort est un sujet que nos enfants abordent souvent. Faut-il répondre à toutes leurs questions ?

Patrick Ben Soussan : Bien sûr. De manière générale, il ne faut jamais laisser un enfant sans réponse. Car ce qui compte avant tout pour lui, c’est d’être dans la communication, en lien avec l’autre. Par ailleurs, il faut se rassurer sur un point : il n’y a pas de bonne réponse. Il faut essayer de répondre au plus près de ce qu’on ressent ou pense. L’enfant se fera ensuite son propre avis et n’hésitera pas à questionner une autre personne ou à vous reposer la même question plus tard.


A quel âge un enfant comprend-il que la mort est irréversible ?

Patrick Ben Soussan : Avant 5 ans, un enfant pense qu’on meurt et qu’on renaît après. Les expressions « plus jamais » et « pour toujours » n’ont pas de sens pour lui. Vers l’âge de 5-6 ans, il commence à pouvoir comprendre l’aspect définitif de la mort. Mais ce n’est qu’avec le temps, en faisant l’expérience de l’absence physique, qu’il pourra vraiment intégrer cette idée.

Comment lui annoncer la mort d’un proche ?

Patrick Ben Soussan : Il est primordial de lui dire la vérité, sans attendre en utilisant des mots qui ne prêtent pas à confusion. Même si c’est difficile d’énoncer la réalité, il vaut mieux lui dire « il est mort » plutôt qu’ « il est parti » ou « il s’est envolé au ciel ».

J’ai suivi en thérapie un enfant de trois ans et demi, qui a perdu le sommeil, suite au décès de son grand-père. On lui avait dit : « ton papi est au ciel, il est la petite étoile qui brille là-haut et veille sur toi ». Ça l’avait particulièrement touché. Toutes les nuits, il contemplait le ciel en pensant que son aïeul le regardait. Un petit enfant n’est pas en mesure de comprendre toutes les préciosités du langage des adultes.

Cependant, pour atténuer la brutalité de l’annonce, on peut l’inscrire dans un récit de vie : « tu pourras penser à tous les jolies choses que vous faisiez ensemble ».

Face aux questions de l’enfant, jusqu’où peut-on aller dans le récit des causes et des circonstances du décès ?

Les explications médicales à la portée de l’enfant peuvent parfois lui apporter un soulagement car elles fournissent une raison précise à laquelle se raccrocher. Par exemple, en cas de crise cardiaque : « le coeur est une pompe qui s’use plus vite chez certaines personnes, comme chez papy». De même certaines maladies font en quelque sorte partie de son histoire familiale et on ne peut pas l’en priver : il n’est pas anodin, notamment pour une petite fille, de savoir que sa maman est morte d’un cancer du sein, comme sa grand-mère. Un enfant a avant tout besoin de paroles vraies qui ne sentent pas la dissimulation, le secret.

Nous sommes nombreux à hésiter à emmener un enfant à des funérailles. Est-ce vraiment sa place ?

Patrick Ben Soussan : En voulant les protéger, on crée parfois plus de dégâts. Je connais des adultes, encore meurtris, d’avoir été écartés des funérailles de leurs parents ou de leur frère et sœur, parce qu’on avait pensé que ce n’était pas leur place.

La cérémonie d’adieux fait partie des rituels qui permettent de concrétiser un départ, de marquer la séparation entre le monde des vivants et des morts. De quel droit exclurait-on un enfant de ce moment important ?

Participer à ces cérémonies lui permet d’intégrer l’idée de la perte, de constater que la mort est bien réelle. Cette douleur est constructive. Il peut être intéressant de lui donner un rôle ce jour-là. Lui proposer (mais pas imposer) d’écrire un texte, de faire un dessin, de choisir un objet qu’il déposera sur le cercueil. Ce sera sa façon de dire au revoir, d’accompagner l’autre dans ce « grand voyage ».

Peut-on les emmener à la veillée mortuaire ?

Patrick Ben Soussan : Beaucoup d’enfants demandent à aller voir le corps. Rien n’est interdit ou déconseillé. En prenant soin, au préalable de les préparer au corps immobile, au visage pâle, à sa froideur, il n’y a pas de raison que cette visite les traumatise. Il faut leur faire confiance. Une veillée funèbre peut représenter un moment de communion familiale. Tout dépend du mode relationnel de la famille et de sa relation avec la mort.

Comment réagir face à un enfant qui ne manifeste aucun signe de tristesse à l’annonce du décès d’un être cher ?

Patrick Ben Soussan : Un enfant n’est pas un adulte miniature. Il est capable de retourner jouer au Lego® juste après l’annonce de la mort d’une personne qu’il adorait. Il ne faut surtout pas le lui reprocher. Un enfant a besoin d’un temps de « digestion » : il lui faut vivre l’expérience de la perte, les noëls sans ce proche, les mercredis ou les we sans loisirs communs pour comprendre que cette personne ne reviendra pas.

En attendant, il tente de mettre au point une stratégie d’adaptation qui peut aller d’une apparente indifférence à un déni plus marqué. La tristesse va apparaître dans le temps. Elle peut se traduire par une attitude régressive, des pipis au lit, la volonté de ne manger que des aliments semi-solides, de l’agressivité ou une chute soudaine des résultats scolaires. Il faut s’inquiéter voire consulter si ces manifestations durent plusieurs semaines et deviennent envahissantes pour lui.

A lire :

  • L’enfant face à la mort d’un proche, de Patrick Ben Soussan et Isabelle Gravillon, éditions Albin Michel, 8,60 €.
  • Et l’enfant confronté à la mort d’un parent, sous la direction de Patrick Ben Soussan, éditions érès, 2013, 13 €.

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