Un évènement, une histoire à partager à la communauté Happy End ? Je partage mon témoignage

La crise sanitaire exceptionnelle que nous vivons impacte notre société et nos habitudes de vie en de nombreux endroits. Depuis les premiers jours de la crise en Europe et les images en provenance d’Italie, un sujet parmi tant d’autres revient souvent à mon esprit, celui de la fin de vie. Si le coronavirus bouleverse nos existences, il affecte aussi nos morts. L’envie m’est venue de partager mes réflexions sur les rites que nous pouvons mettre en place les rites autour de la mort car la fin de vie est un domaine auquel je suis sensible depuis plusieurs années et dans lequel j’ai très fort envie de m’investir (professionnellement un jour, j’espère).

Partir sans pouvoir dire adieu à un être cher

Les mesures de confinement que nous connaissons actuellement rendent largement impossibles la présence et les gestes que nous pouvons assurer en temps normal auprès des personnes en fin de vie et de leurs proches.  Les patients qui meurent du coronavirus en particulier seront nombreux à partir seuls, sans revoir ou dire adieu à leurs êtres chers. Au-delà de ces décès directement liés au virus, la mort ne connaît pas de pause et continue à survenir, dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les domiciles… Le personnel des maisons de retraite se mobilise d’ailleurs pour réclamer (outre les moyens de protection qui leur font encore cruellement défaut !) des moyens d’offrir à leurs résidents en fin de vie des soins de confort adaptés. Quant aux proches, ils ne peuvent se réunir, prendre la main de ceux qui sont en partance, effectuer une visite d’adieu. Impossible également de se rassembler comme on en a l’habitude pour célébrer les obsèques. Je pense qu’il y aura une grande et spécifique souffrance chez les personnes touchées par ces deuils privés de contact charnel.


A la mort d’un proche, quels rites mettre en place quand le coronavirus nous empêche d’être ensemble ?

Plusieurs personnes autour de moi ont été récemment confrontées à des situation de cet ordre, et sans vouloir leur donner des conseils pour vivre ces moments alors que je ne suis pas dans leur tête, je me suis d’autant plus demandé ce que nous pouvions faire. La mort est une chose personnelle et intime, elle est aussi très ritualisée. Et les rituels dont nous avons l’habitude — rassembler les proches du défunt autour d’une cérémonie, bénir ou toucher un cercueil, fleurir le lieu, accompagner notre mort ensemble jusqu’à la tombe ou la dispersion, écrire dans un registre de condoléances, partager un repas d’après funérailles — sont impossibles à mettre en oeuvre dans la situation actuelle.

Prévoir un temps de rassemblement et une cérémonie plus “consistante” a posteriori est une bonne option pour les funérailles, et nul doute que toutes les pompes funèbres la conseilleront. Une dispersion des cendres peut également être reportée. Mais que reste-t-il à faire aujourd’hui, pour vivre malgré tout ce que nous avons à vivre, aider ceux qui partent et ceux qui restent, commencer un chemin de deuil ? Peut-être peu et beaucoup à la fois. Les personnes croyantes puiseront sûrement du réconfort dans une communauté de prière. Et quelles que soient nos convictions, nous pouvons mobiliser à distance tout ce qui nous permet d’approcher le mystère et d’ adoucir la perte : l’amour, le lien, la beauté, le rite, le chant, la poésie… Plus encore que d’habitude, il me semble pertinent de les mettre au coeur de l’adieu et même de les réinventer en cette période confinée.

Nous avons besoin de rites comme de pain

Aussi j’ai envie de suggérer à toutes les personnes touchées par ces situations douloureuses d’envisager ce qui reste possible et d’oser tous les gestes qui leur montent au coeur. Même s’ils peuvent sembler infimes, dérisoires. Même si nous les empruntons à des sources alternatives. “Nous avons besoin de rites comme de pain”, écrit Gabriel Ringlet dans son beau livre La Grâce des jours uniques. La crise que nous vivons est aussi une occasion de revenir à leur essence sacrée et de sentir combien ils peuvent nous apaiser et nous éclairer sur le chemin de la perte, et ce tout à fait indépendamment de nos convictions religieuses. N’ayons pas peur d’inventer, de réinterpréter, de faire nôtre pour mettre un peu de grâce dans ces moments de peine.

Voici quelques pistes concrètes à explorer hors de toute religion. Bien entendu, elles ne constituent pas des recettes, mais des esquisses auxquelles puiser selon la sensibilité, la spiritualité et les possibilités de chacun. Certains ressentiront par ailleurs peut-être le besoin de ne pas trop en faire ou de tout remettre à plus tard, il appartient clairement à chacun de sentir ce qui peut l’aider sur ce chemin difficile et inhabituel.


Que faire quand les visites à un proche en fin de vie sont interdites ?

Ce qui se vit à l’extrême crépuscule de l’existence est largement au-delà des mots, et passe bien souvent dans un geste ou une caresse, une communication de peau à peau. Alors que faire quand nous ne pouvons pas nous rendre au chevet d’une personne mourante ? Je me sens terriblement triste et démunie à l’idée de ces décès confinés. Pour autant, j’ai aussi la croyance personnelle profonde qu’il est possible d’offrir une présence aimante à quelqu’un sans être physiquement à ses côtés. Et qu’il peut-être doux et aidant de manifester cette présence à travers des rituels.

Coronavirus : voici quelques pistes à creuser pour accompagner la mort si on en la force :

  • Allumer une bougie, à placer par exemple près d’une fenêtre. Un geste universel porteur d’une infinie espérance.
  • Créer chez soi un petit espace dédié à la personne en partance. Cela pourrait être une petite table, un appui de fenêtre, un arbre si on a un jardin, un morceau de balcon …On peut l’aménager joliment, y installer une photo, quelques objets évoquant la personne, y placer une bougie, des voeux, y déposer quelques fleurs, une épice, un parfum, un bâton d’encens…
  • Ecrire un mot d’adieu, même si la personne chère ne peut l’entendre. On peut par exemple écrire ces mots dans un cahier, les lire à une fenêtre, les prononcer dans le secret de son coeur, les partager avec d’autres proches, les mettre en terre, les accrocher à un arbre, les confier à une flamme… On pourrait aussi choisir de les conserver pour les intégrer dans une cérémonie future. Lors des funérailles d’un proche, une “bouteille à la mer” avait été laissée à disposition de l’assemblée pour y glisser des petits mots à l’attention du défunt. Ce type de rituel me semble intéressant à imaginer pour des situations où on n’a pu faire ses adieux de vive voix)
  • Ecouter ou chanter ses chansons préférées
  • Rester en lien avec les autres proches, organiser par exemple un temps de veillée par visioconférence (prendre un temps ensemble pour évoquer des souvenirs, allumer une bougie, prier, lire un texte, écouter une musique,…)

A lire aussi : privé d’enterrement, quel hommage peut-on faire au défunt ?

Que faire lorsqu’on n’est pas autorisé à assister aux funérailles ?

Avec le coronavirus, les funérailles sont actuellement limitées à des cérémonies brèves en petits comités, sans contact physique, soumises à des restrictions fortes bien qu’à degrés variables selon les pays et même les régions. Il est tout à fait possible et plein de sens de prévoir une deuxième cérémonie plus tard, lorsqu’on pourra se rassembler à nouveau. Mais quels rituels de deuil peut-on réaliser lorsqu’on ne peut pas être présent physiquement en raison du Coronavirus ?

  • Voir la personne morte peut être important dans un deuil, ne pas hésiter à demander à ceux qui ont la possibilité de voir le corps de prendre des photos, même si on n’a pas envie de les voir dans l’immédiat. (cela ne semble pas possible pour une personne décédée du coronavirus)
  • Faire déposer par une personne présente un objet, une lettre, un dessin, à mettre dans le cercueil ou à poser sur ce dernier
  • Représenter symboliquement dans l’assemblée les personnes qui ne peuvent être là
  • Suivre les funérailles par visioconférence si c’est possible
  • Organiser une forme d’hommage chez soi, même si cela semble peu. Une lecture, une prière, un temps de recueillement, une réunion virtuelle avec d’autres personnes également empêchées, …
  • Recréer un petit espace d’adieu chez soi. Comme suggéré plus haut, on peut par exemple entourer une photo par de petites veilleuses, des fleurs, …y déposer décorations, dessins, prières, lettres de condoléances, …
  • Imaginer un rituel d’adieu “miniature” faisant intervenir de la terre (pour un enterrement) ou du feu (pour une crémation)
  • Pour ceux qui ont accès à de la nature ou à un jardin, composer un bouquet, planter des bulbes, … en hommage au défunt
  • Réaliser un mandala avec ce qu’on a sous la main : notre tuto vidéo.
  • Réaliser chez soi un arbre à voeux ou réunir des éléments pour en composer un plus tard.
  • Se réunir à distance pour un repas de funérailles virtuel (chacun peut par exemple préparer de son côté un plat que la personne aimait). On pourrait aussi pendant le confinement préparer une confiture, un alcool maison ou toute autre préparation non périssable, à consommer ensemble plus tard
  • Partager une ronde de souvenirs (chacun à tour de rôle partage un souvenir avec le défunt)
  • Créer un espace d’hommage virtuel pour partager condoléances, souvenirs et photos (page hommage sur Facebook, groupe WhatsApp, espace web mis à disposition par les pompes funèbres, …)
  • Préparer ensemble à distance un album de photos et de souvenirs dédié au défunt, une playlist de ses musiques préférées, …

https://www.happyend.life/un-enterrement-comme-je-veux-le-guide-pratique-des-obseques-civiles/

Christophe Fauré, psychiatre, spécialiste du deuil, a tenu à rassurer récemment dans La Croix les personnes confrontées à des situations de deuil compliqué par le coronavirus par ce juste rappel :

« Le deuil est un processus naturel de cicatrisation psychique, qui s’inscrit dans le temps long, explique le médecin. Autrement dit, il ne se résume ni aux obsèques, ni aux conditions de fin de vie, même si cela compte, bien sûr. Mais une autre dimension est essentielle : la relation que l’on a eue avec le défunt, tout au long de sa vie. Cette dimension, pour le coup, n’est en rien entravée par le confinement : qu’avons-nous vécu ensemble, quel héritage laisse cette personne en moi, voilà qui est majeur »

Retrouvez le site de Florence Plissart, peintre et carnettiste 

 

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