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Le décès d’un proche par homicide, mort violente et brutale, qui aurait pu être évitée a des conséquences sur le processus de deuil. L’éclairage d’Hélène Romano, psychologue, spécialiste des deuils traumatiques.

Les spécificités du deuil suite à un homicide

Le deuil suite à un homicide est différent d’un processus de deuil « classique » en 4 points :

Socialement

Lorsque le défunt décède suite à un homicide, ses proches reçoivent beaucoup d’attention, parfois trop. On parle alors d’un deuil médiatisé. « Dans certains cas, lorsque l’affaire est médiatisée, l’entourage du défunt reçoit tellement de soutien qu’elle a le sentiment d’être dépossédé de son deuil. C’est le cas des parents d’Alexia Daval, tuée par son mari. La famille a reçu beaucoup de compassion car l’affaire a été très médiatisée, puis elle a fini par porter plainte contre la presse car elle a eu l’impression d’avoir été privé de son processus de deuil. », explique Hélène Romano, psychologue.

Médico-légalement

Lorsque le défunt décède de vieillesse ou d’une maladie, la famille récupère rapidement le corps pour organiser les obsèques dans le délai de 6 jours ouvrés fixé par la loi française. Un décès par homicide implique obligatoirement une autopsie qui allonge considérablement ce délai. « Pour l’entourage du défunt, l’autopsie est un évènement très violent. Le corps de leur proche ne leur appartient plus. », explique Hélène. À Paris, le délai est d’environ quinze jours pour une autopsie. Mais dans des situations spéciales comme un attentat, cette étape peut durer plusieurs mois.

Temporellement

En raison de l’autopsie, les proches ne peuvent pas accéder au corps du défunt. Ils débutent leur processus de deuil sans avoir pu constater le décès de leurs propres yeux. C’est également le cas lorsque la famille sait qu’il y a eu homicide et que leur proche est mort mais que le corps n’a pas été retrouvé. « Dans l’affaire Estelle Mouzin, malgré la reconnaissance du tueur, le corps n’a pas été retrouvé. La famille de la jeune fille a dû cheminer dans son deuil sans avoir pu valider la mort visuellement. » 

Juridiquement

« Lorsqu’il y a un procès, les proches du défunt s’engagent généralement dans 5, 6 voire 7 ans de procédure judiciaire pendant lesquelles ils vont tenter d’obtenir des éléments de réponses. Malheureusement, ils vont aussi être exposés aux détails des circonstances du décès et à l’accuser, ce qui est très difficile sur le plan psychologique.» De plus, suite au procès, lorsque la peine n’est pas celle souhaité par les proches du défunt, la déception est difficile à encaisser.


Des facteurs menant à un deuil compliqué ou pathologique

Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte qui peuvent faire évoluer un deuil vers un deuil compliqué ou pathologique :

Le degré de proximité

Tout d’abord, il faut considérer le degré de proximité entre le défunt et l’endeuillé. « Lorsqu’il s’agit du décès d’un conjoint, c’est le quotidien qui est bousculé, contrairement à un grand-oncle. Plus le lien est fort, plus la perte va être violente et douloureuse », confirme Hélène Romano. Il faut alors être attentif, et notamment en cas d’homicide, car les proches en deuil sont susceptibles de développer des troubles post-traumatiques, caractéristiques d’un deuil compliqué ou pathologique.

L’exposition aux détails de l’homicide

« Les proches sont souvent exposés aux détails de l’homicide. Lorsque celui-ci est médiatisé, ils ont simplement à effectuer une recherche sur internet pour découvrir des photos ou à des articles de presse revenant sur le drame. » Cette exposition est profondément traumatisante. Les proches revoient les images de la scène jusqu’à ne plus pouvoir fermer les yeux la nuit et développent une grande anxiété.

La présence lors de l’homicide

Lorsque quelqu’un assiste à un homicide, il a plus de chance de développer des troubles psychologiques. “J’ai pris en charge une jeune femme de 25 ans qui, quand elle avait 4 ans, est restée auprès du corps de sa mère pendant 48 heures. Aujourd’hui encore, elle a parfois la sensation de ressentir le contact du sang sur elle”. Chez les victimes d’attentats à l’arme à feux par exemple, les bruits de feux d’artifice ou de pétards peuvent déclencher des crises de panique et un grand sentiment d’insécurité.

La personne responsable de l’homicide

Lorsqu’il y a homicide, on peut distinguer deux cas : l’homicide perpétré par un autre proche, lui, génère beaucoup d’angoisse mais aussi de la culpabilité. Les proches en deuil se demandent ce qu’ils auraient pu faire pour empêcher le drame et cette culpabilité les ronge.

Si l’homicide est commis par un inconnu, les endeuillés sont susceptibles de développer un état d’hyper-vigilance et un trouble phobique. “J’ai eu le cas d’un homme dont la sœur a été tué par arme blanche. Aujourd’hui, il ne peut plus utiliser de couteau sans que ça génère chez lui une forte angoisse. J’observe le même schéma chez la fille d’une dame tuée dans un parking. Aujourd’hui, elle ne peut plus aller s’y garer”, explique Hélène Romano, spécialiste des deuils traumatiques.

Parfois, le trouble psychologique est si intense que certains proches de la victime ont l’impression de voir le tueur un peu partout.

L’absence de corps malgré le décès confirmé 

Dans certaines affaires, un coupable est désigné et arrêté mais il n’avoue pas tout de suite l’homicide. “La famille d’Estelle Mouzin, a vécu une longue période de doute car ils ont espéré qu’elle était vivante tout en étant intimement convaincu du contraire. Ce n’est que 20 ans après que l’accusé a avoué et a donc rendu le décès officiel. On parle là d’un deuil différé ”, explique Hélène Romano.

Le procès, cet élément qui perturbe le deuil

Pour les endeuillés, le procès est à double tranchant. Il peut avoir un impact positif car il permet à la famille de trouver des réponses à leurs questions. À l’inverse, il peut aussi avoir des conséquences terribles.

Le procès se tient généralement dans un délai de deux, trois et peut aller jusqu’à cinq ans d’attente. Dans cette intervalle, les proches ont eu le temps d’avancer et de cheminer à travers les étapes du deuil. Le procès va les confronter à des détails dont ils n’avaient peut être pas connaissance. De plus, le face à face avec l’accusé peut être très violent et réactiver la douleur.

C’est pourquoi des thérapeutes interviennent particulièrement dans ce moment. “J’accompagne un couple pour les préparer au procès de leur nourrice qui est accusée d’avoir tué leur bébé. Psychologiquement, le procès va être rude pour eux car ils l’attendent depuis 6 ans.”

Même lorsque la peine appliquée et que la justice répond aux attentes de l’entourage de la victime, la réparation judiciaire n’est pas la réparation psychique. Comme l’explique Hélène Romano, “la justice n’est pas thérapeutique, elle est là pour appliquer la loi.” 

Deuil suite à un homicide : que met en place la justice pour les proches du défunt ?

Faire appel à la CIVI

Lorsqu’il y a homicide, il est possible de faire appel à la CIVI. “La CIVI est un organisme qui est supposé prendre en charge les frais de procédure et les frais annexes dont les frais de thérapie. Malheureusement, les avocats ne pensent pas systématiquement à la proposer.”

Des associations d’aide aux victimes et des psychologues rémunérés par l’état 

Des psychologues contractuels et des associations d’aide aux victimes sont également présents. Ils soutiennent les proches en deuil au cours de la procédure judiciaire. Pour des situations spéciales, l’État et les mairies proposent un accompagnement qui prend généralement la forme de cellules d’écoute téléphonique. “Dans l’affaire de la petite Lola, des cellules d’écoute et des suivis psychologiques ont été mis en place et financés par l’état et les mairies. À l’inverse, il y a eu environ 20 000 personnes touchés directement par les attentats et malheureusement, tout le monde n’a pas été suivi”, explique Hélène Romano.

En répondant à ces quelques questions, Happy End sera en mesure de vous recommander un professionnel de confiance pour vous aider à cheminer à travers votre deuil.

Lire aussi : Thérapeutes : elles se spécialisent dans les maux du deuil

Comment les proches en deuil sont-ils accompagnés ?

“Même dans le cadre d’un deuil suite à un homicide, on attribue à chaque personne son type de thérapie.”, explique Hélène. L’EMDR est généralement évité pour les deuils traumatiques. C’est une technique qui ré-expose aux événements comme à l’annonce du décès ou à la scène de l’homicide si l’endeuillé y a assisté. Il n’y a pas de technique thérapeutique meilleure qu’une autre dans ces cas-là. On travaille un maximum la relaxation, la sécurisation et la gestion du stress, et cela peut être dispensé à travers de nombreuses formes de thérapie”, explique la psychologue.

Comment apporter son aide à un proche en deuil suite à un homicide ?

« Quand on perd un proche d’un homicide, c’est comme si on était agressé dans notre chair. Il est donc récurrent que l’entourage du défunt ressente un sentiment de persécution », explique Hélène Romano. Ainsi, il est préférable de ne pas être trop intrusifs mais plutôt de proposer des choses concrètes. Il peut s’agir d’une aide matérielle par exemple. L’anniversaire du décès est également le bon moment pour témoigner son soutien. Enfin, il ne faut pas hésiter à s’excuser en cas de maladresse.

En ce qui concerne la posture à adopter avec les enfants, la psychologue conseille de ne pas leur mentir sur les circonstances du décès : « Il est préférable de leur dire la vérité sur les faits car il pourrait la découvrir et se sentir trahi. Le mensonge brise le lien de confiance entre l’adulte et l’enfant. » Un sujet sur lequel il ne faut pas hésiter à demander conseil si on est en proie à des doutes sur les mots à employer.

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