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Un élève par classe en moyenne est orphelin

« A l’école, j’ai toujours vécu comme un calvaire de remplir les fiches de renseignement de début d’année. Mon père était mort et je ne voulais pas que ça se sache », raconte Emilie, 32 ans. Le cas de cette trentenaire est loin d’être isolé. Le nombre d’enfants ayant perdu leur père, leur mère ou les deux avant leurs 25 ans est évalué à 610 000 en France selon l’INED. Les orphelins représenteraient en moyenne un élève par classe !

Lire aussi : Orphelins jeunes adultes : 11 ressources pour les accompagner 


Une information pas forcément communiquée aux enseignants

62% des enseignants ont des élèves qui deviennent orphelins au cours d’une année scolaire. Mais dans trois quarts des cas, le drame se produit pendant les vacances ou le week-end et l’information n’est pas automatiquement transmise au corps enseignant. « La vie des élèves ne s’arrête pas aux portes de l’école et ce sujet doit être pris en compte », note Sylvain Kerbourc’h, sociologue, responsable scientifique du pôle Etudes et Recherches de la Fondation OCIRP. Le problème est que l’information arrive par différents interlocuteurs qui ne communiquent pas forcément entre eux. 51% des enseignants apprennent la nouvelle du décès par leur direction, 20% par le parent restant, 30% par un collègue et 13% par l’élève lui même. Ce défaut de communication oblige les enseignants à réagir dans l’urgence et à ne pas toujours avoir une réponse ou une réaction adaptée. « Certains découvrent le drame en voyant leur élève craquer en classe », regrette Sylvain Kerbourc’h.

Des gaffes trop nombreuses qui fragilisent l’orphelin

Demande de la signature des deux parents, convocation suite à une absence « injustifiée » ou préparation de la fête des mères… Les maladresses, causées par une mauvaise circulation de l’information, plongent les enfants dans une situation de solitude et d’isolement encore plus grande. Elles entraînent aussi une remise en cause personnelle et professionnelle de l’enseignant. « Ces situations pourraient être évitées en veillant à respecter un circuit d’information, de l’administration à l’infirmière scolaire jusqu’au professeur principal qui transmettraient aux autres enseignants », suggère le sociologue. L’enquête menée montre que ces situations ne sont pas anticipées au sein de l’établissement. L’équipe pédagogique n’est mobilisée que dans 32% des cas et seuls 12% des établissements ont mis en place une procédure particulière pour accompagner l’enfant orphelin.

Difficultés de concentration et d’apprentissage… Perdre un parent a un impact réel sur la scolarité

Pourtant, l’impact négatif de la perte d’un parent sur la scolarité est une réalité ! D’après une enquête menée par la Fondation d’entreprise OCIRP, 75% des enseignants, 66% des parents et  77 % des orphelins l’ont constaté ! Après un tel événement, le rapport de ces enfants au travail, leurs relations scolaires et leurs faculté ne sont plus les mêmes. 38 % éprouvent des difficultés de concentration, 34% des problèmes liés à l’apprentissage et 27% ont des résultats en baisse…

Confrontées malgré eux à cette situation, les enseignants n’ont d’autres choix que de réagir en fonction de leur expérience personnelle et de leur ressenti. « Quand on a des élèves dont les parents sont morts (…), on est démunis. On ne sait pas trop comment réagir. On ne sait pas s’il faut prendre la parole, s’il faut en parler, s’il faut se taire. Au cas par cas, on se débrouille toujours, mais si on avait quelques billes, des notions de ce qu’il vaudrait mieux éviter de faire ou qu’il est préférable de faire, ce serait pas mal », confie Yann, enseignant en français et anglais dans un lycée public en Aquitaine.

Comme lui, 85% des enseignants interrogés aimeraient avoir un guide pour mieux réagir dans ce genre de situations. Doivent-ils informer la classe ? Et si oui, comment ? Quel lien établir avec la famille ? Vers quel professionnel se tourner pour assurer le suivi de cet enfant ? La Fondation OCIRP est en cours d’élaboration de ce guide, destiné à donner des conseils et des repères aux enseignants et personnels éducatifs confrontés à cette situation.

Un orphelin préfère parfois cacher la perte de son parent

Mais dans certains cas, ces précautions ne seront pas suffisantes. D’abord, parce que certaines familles n’en parlent pas. Pour preuve, un parent sur dix n’informe pas l’établissement du drame et un tiers des enfants qui viennent de perdre leur père ou leur mère ne rate pas l’école ! Et les orphelins partagent ce désir de discrétion : 59% des élèves orphelins de plus de 15 ans font comme si rien ne s’était passé et 31% ne veulent pas qu’on leur parle.

« En perdant un parent, ces enfants perdent une partie d’eux-mêmes qui ne reviendra pas. C’est difficile de se construire en tant que sujet après ça. Ils redoutent que d’autres écrivent leur récit de vie », explique Philippe Bataille, sociologue. Comme Caroline, élève au collège, ils craignent le regard des autres et ne veulent pas exposer leur fragilité. « Je ne suis pas allée en cours pendant une semaine. Mon père a prévenu mon prof et le CPE et une annonce a été faite en classe. Tout le monde m’a écrit. Je ne voulais surtout pas ça. Mais j’avoue que ce choix a finalement été positif car je n’ai pas eu à expliquer les choses à mon retour », explique t-elle. A noter, 41% des élèves ne savent pas que certains professionnels dans l’établissement peuvent les accompagner dans ce type de cas.

L’orphelin et le principe d’égalité

Enfin certains enseignants évoquent un principe d’égalité et disent ne pas souhaiter différencier ces élèves des autres. « Il y a ceux qui ne veulent surtout pas le stigmatiser et ceux qui estiment qu’ils doivent rester dans leur position d’enseignant. Tant que le drame vécu n’influe pas sur les résultats de l’élève ou son attitude en classe, ils préfèrent ne pas s’en mêler », analyse Sylvain Kerbourc’h, sociologue.

Vivement un guide et des ateliers pour aider le corps enseignant à proposer des réponses adaptées à ces enfants et les accompagner au mieux…

Découvrez le plaidoyer de Léa, orpheline de père et de mère qui lutte pour plus de reconnaissance du statut d’orphelin jeune adulte

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