Un évènement, une histoire à partager à la communauté Happy End ? Je partage mon témoignage

L’histoire avait commencé deux ans plus tôt. En cours de philo, sur l’euthanasie. J’avais tout juste 18 ans et c’était « tombé sur moi » !

Le prof s’était approché brutalement, de façon théâtrale, comme il le faisait souvent, (pour nous bousculer dans nos croyances) et il s’était planté là : à dix centimètres. Il m’avait fixée longuement dans les yeux : « Et vous ? Laetitia, le feriez-vous !? » avait-il demandé. L’euthanasie… Si je le ferais ? Je n’ai pas hésité ! J’ai répondu un « OUI » franc, sûre de moi.

C’était avant de savoir…
C’était avant de le vivre…

Car quand je suis arrivée à l’hôpital deux  ans plus tard, pour voir Madeleine : quand je suis entrée dans cette chambre morne et triste, je me suis retrouvée face à cette question béante, comme une porte grande ouverte :

« Ce jour-là, est ce que je l’aiderais à mourir ?  » Pour elle… Pour que tout cela s’arrête…

Aurai-je le courage de la débrancher ?

Est-ce que j’allais avoir le courage de la « débrancher » ? En cours de philo, sur l’euthanasie, j’avais dit « oui ». Mais en réalité ce jour là ce serait NON ! Je me retrouvais paralysée.

Comme un spectateur devant un film choquant. (En état « de sidération »). La fois d’avant, pourtant, nous avions papoté. J’avais promis –« Bien sûr, que je reviendrais ! ». Combien de temps s’était-il écoulé ?

Je me retrouvais maintenant dans cette chambre austère où elle était maintenue « en vie » malgré elle… Madeleine m’attendait-elle ? Ici, personne d’autre ne m’attendait. Je savais la mention « Sans famille » inscrite dans son dossier. Face à cette scène terrible de vieille dame branchée de partout, je sentis mon cœur se fêler. Et je me mis à pleurer longuement. De tristesse, de culpabilité, de révolte aussi : face à cette obstination médicale insensée… Je le « savais »… Il ne restait que très peu d’elle, près de moi. Qu’on la laisse partir ! Qu’on la laisse libre de s’envoler…

Je n’avais ni courage, ni parole. J’ai regardé. Mais je n’ai rien fait. L’absurdité de cet acharnement… Puis je suis sortie parce que j’avais besoin de  « prendre l’air ». Et il y a eu (dans le couloir) cette infirmière… Elle est venue à moi. Elle a choisi ses mots et m’a parlé gentiment. Et à mon tour j’ai raconté. Notre rencontre. Son histoire. L’absurdité de cet acharnement…

« Comment était ce possible ? De refuser la mort à cette vieille femme ?! » 

Elle m’a laissé dire. Et après avoir recueilli mon récit et mes larmes, elle m’a laissé partir. Le lendemain matin, on m’appelait pour me dire que « Mado » s’était envolée… J’ai compris alors que j’avais été entendue… En me confiant, en m’indignant, je leur donnais « l’autorisation » de la laisser mourir.

Je n’ai jamais su le nom de cette infirmière. Mais je la remercie encore tout bas…

A 80 ans passés, Madeleine n’avait ni famille, ni ami. Nous nous sommes rencontrées dans un bus et rendues compte que nous étions voisines. De façon inattendue, une amitié s’est tissée entre nous.

Lire la suite de l’histoire de Madeleine : La première fois que j’ai vu le corps mort d’un être cher

À lire aussi

Commentaires

  • eve
    eve
    Le 30/11/18

    Je suis très touchée par ton récit Laetitia…
    Merci.
    Ev

  • eve
    eve
    Le 30/11/18

    Je suis très touchée par ton récit Laetitia…
    Merci.
    Ev

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Happy End, responsable de traitement, collecte et publie vos commentaires pour vous permettre de partager vos avis. Nous vous invitons à ne pas communiquer vos données personnelles sensibles car votre commentaire va être public. Pour plus d’informations sur le Traitement de vos Données à caractère personnel par Happy End, veuillez consulter notre politique de confidentialité.

J’anticipe mon départ

Nous vous guidons dans la rédaction de vos dernières volontés pour soulager vos proches de choix difficiles.

Des articles sélectionnés pour vous

Le deuil chez les proches aidants, un deuil comme les autres ?

Le deuil chez les proches aidants, un deuil comme les autres ?

Aidant familial : quelles aides pour l’accompagnement d’un proche ? 

Aidant familial : quelles aides pour l’accompagnement d’un proche ? 

Pourquoi j’ai décidé d’accompagner la mort au quotidien

Pourquoi j’ai décidé d’accompagner la mort au quotidien

J’ai choisi d’accompagner la mort comme la naissance

J’ai choisi d’accompagner la mort comme la naissance

Derniers Secours : un cours pour mieux accompagner la fin de vie de nos proches

Derniers Secours : un cours pour mieux accompagner la fin de vie de nos proches

Euthanasie : une convention citoyenne débutera en octobre pour six mois

Euthanasie : une convention citoyenne débutera en octobre pour six mois

La sédation profonde et continue, c’est quoi ?

La sédation profonde et continue, c’est quoi ?

“Quand cheminer vers la mort devient un parcours plein de cadeaux…”

“Quand cheminer vers la mort devient un parcours plein de cadeaux…”

“12h05. Nous sommes mariés. 12h30. On lui injecte les produits de sédation”

“12h05. Nous sommes mariés. 12h30. On lui injecte les produits de sédation”

Bientôt une nouvelle télé-réalité sur… le death cleaning !

Bientôt une nouvelle télé-réalité sur… le death cleaning !