En EHPAD, parler de la fin de vie reste souvent un sujet redouté. Les équipes craignent de heurter, les familles d’être mal comprises, et les résidents eux-mêmes hésitent parfois à aborder leurs volontés de fin de vie. Pourtant, les directives anticipées sont à la fois un droit fondamental pour la personne et une obligation d’information pour les établissements.

D’ailleurs, 2016, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande que chaque professionnel informe, de façon claire, loyale et adaptée, toute personne accueillie sur la possibilité de rédiger ses directives anticipées et de désigner une personne de confiance. Cet échange ne se limite pas à la remise d’un formulaire : il s’agit d’un acte d’accompagnement à part entière, au cœur de la mission éthique des EHPAD.

Entre respect, écoute et délicatesse, comment ouvrir ce dialogue sans brusquer ? Cet article propose des repères concrets pour aborder la question avec humanité, comprendre le cadre législatif, et découvrir des outils simples – dont un jeu imaginé par Happy End – pour libérer la parole.

Les directives anticipées : un sujet difficile, mais essentiel à aborder

Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la mort fait partie du quotidien, mais elle demeure un tabou. Beaucoup de professionnels redoutent “le mauvais moment”, craignent de “faire peur” ou de “mal dire”.

Or, les résidents, eux, sont souvent plus prêts à en parler qu’on ne le pense. En effet, Le Centre d’éthique clinique de l’AP-HP a mené une étude qui montre que les personnes âgées accueillies en EHPAD expriment volontiers leurs souhaits quand on leur en donne la possibilité. En réalité, ce sont souvent les proches et les équipes qui freinent, par crainte d’ouvrir un sujet trop lourd.

Pourtant, les directives anticipées ne sont pas un document administratif de plus : elles sont le prolongement d’une vie, d’un parcours, d’une histoire. Elles permettent à chaque résident de garder la main sur son destin médical et de donner des repères clairs à ceux qui l’accompagnent. En parler, c’est à la fois répondre à une exigence institutionnelle et honorer une responsabilité humaine : permettre à chacun de rester auteur de ses choix, même dans la vulnérabilité.

Lire la tribune de Marie-Odile Vincent, directrice d’EHPAD pour découvrir comment elle est parvenue à lever le tabou sur la fin de vie dans son établissement.

Le cadre légal et éthique : savoir de quoi on parle

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS, 2016), les directives anticipées sont « une déclaration écrite par laquelle une personne majeure exprime ses souhaits relatifs à sa fin de vie, notamment en matière de limitation ou d’arrêt de traitements ». Instituées par la loi Léonetti (2005) puis renforcées par la loi Claeys-Léonetti (2016), les directives anticipées ont désormais une valeur contraignante pour le médecin.

  • Concrètement, elles doivent être respectées, sauf en cas d’urgence vitale ou si leur contenu est manifestement inapproprié à la situation médicale.
  • Elles sont valables sans limite de temps, peuvent être modifiées ou révoquées à tout moment, et doivent être datées, signées et identifiables (nom, prénom, date et lieu de naissance).
  • Par ailleurs, la personne de confiance, désignée par le résident, complète utilement ces directives. L’équipe médicale peut la consulter si la personne n’est plus en mesure de s’exprimer, et garantir que la volonté du résident reste connue et respectée. Concernant leur conservation, les directives anticipées peuvent être conservées par le résident, confiées à la personne de confiance ou à la famille, ou intégrées au dossier médical partagé (DMP). Pour aller plus loin : Directives anticipées : comment choisir une personne de confiance ?

La traçabilité est essentielle : savoir où se trouve le document, c’est s’assurer qu’il sera pris en compte. Et rappelons-le : cette démarche est un droit, jamais une obligation ; aucun établissement ne peut l’imposer à l’admission.

Quand et comment engager la conversation ?

Pour y parvenir, il convient de créer les conditions du dialogue

Aborder les volontés de fin de vie nécessite tact, écoute et respect du rythme de chaque résident. Voici quelques bonnes pratiques pour faciliter l’échange :

1. En premier lieu : identifier le bon interlocuteur

Selon l’organisation de l’EHPAD, plusieurs professionnels peuvent initier cette conversation :

  • Le médecin coordonnateur
  • Le psychologue
  • L’infirmière coordinatrice
  • Le cadre de santé

L’essentiel est que la personne soit à l’écoute et qu’elle ait reçu une formation à cet accompagnement délicat.

2. Ensuite : choisir le bon moment

Plusieurs occasions se prêtent à cette discussion :

  • Lors de l’entretien d’entrée, en présence de l’équipe pluridisciplinaire
  • Au cours des premières semaines, une fois le résident installé
  • Lors d’un atelier collectif
  • De manière informelle, au fil des entretiens et du quotidien
  • Lors d’événements marquants (décès d’un autre résident, hommage collectif)

3. Enfin : utiliser des supports adaptés

  • A travers le livret d’accueil.
    De nombreux EHPAD intègrent un chapitre dédié à la fin de vie dans leur livret d’accueil. Ce document peut servir de point d’entrée pour aborder le sujet naturellement. Ces brochures explicatives constituent également d’excellents supports pédagogiques.
  • Une autre approche consiste à utiliser un jeu lors d’un atelier collectif ou lors d’un entretien individuel. Happy End et 2 minutes de bonheur ont imaginé ce jeu de 34 cartes qui invite à aborder, en douceur, des sujets souvent tus : la fin de vie, les souvenirs, les transmissions, les choix personnels.

    Happy End et 2 minutes de bonheur l’ont conçu pour être utilisé en famille, entre résidents ou avec les équipes. Ce jeu invite à explorer des questions accessibles :
    « Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous ? », « Qu’est-ce qui vous apaise ? »,
    « Qu’aimeriez-vous transmettre ? ».

    Selon Sophie Reich, adjointe de direction en EHPAD : « Ces cartes peuvent aider à libérer la parole sur un sujet qu’on peine à aborder avec nos résidents, et devenir un outil précieux pour entamer la discussion sur les directives anticipées. »

    Loin d’être un jeu morbide, il favorise la communication et l’écoute. Il permet d’aborder les valeurs de vie avant les aspects médicaux. Il peut être intégré à des ateliers collectifs ou à des entretiens individuels.

Adopter la bonne posture professionnelle

La qualité du dialogue repose avant tout sur la posture du soignant :

  • Premièrement : respecter le choix de ne pas vouloir en parler

Certains résidents ne souhaitent pas aborder ces questions immédiatement, voire jamais. L’équipe doit respecter ce choix. L’important est de signifier que la porte reste ouverte : « Sachez que si vous souhaitez un jour parler de vos souhaits pour votre fin de vie, je suis disponible. »

  • Deuxièmement : poser des questions ouvertes

Plutôt que des questions fermées, privilégiez les formulations ouvertes : « Avez-vous déjà réfléchi à ce qui serait important pour vous en cas de maladie grave ? » ou « Comment imaginez-vous votre accompagnement si votre santé se dégradait ? »

  • Troisièmement : écouter et accueillir la parole

Il est essentiel que l’équipe sache écouter pour accueillir pleinement les paroles au moment où elles sont exprimées. Chaque membre de l’équipe, du soignant au personnel d’accueil, peut être témoin de confidences précieuses. Ces informations doivent être notées dans le dossier médical au fil de l’eau.

  • Enfin : associer les proches avec discernement

La présence de la famille ou des aidants lors de ces échanges peut être précieuse, mais elle n’est pas systématique. Si le résident semble gêné ou si l’on sent que la présence des proches l’empêche de s’exprimer librement, il est préférable de proposer un temps d’échange en tête-à-tête.

Formaliser et tracer les volontés

Une fois les volontés recueillies, il est essentiel de les formaliser :

  • Par écrit

Proposer au résident de rédiger ses directives anticipées avec son aide, ou le laisser faire seul ou avec ses proches. Certains établissements mettent à disposition un formulaire adapté, mais un papier libre convient également.

  • Dans le dossier médical partagé

Pour garantir l’accessibilité des directives anticipées, plusieurs options existent :

    • Conservation par le résident lui-même
    • Remise à la personne de confiance ou à un proche
    • Insertion dans le dossier médical
    • Enregistrement dans le dossier médical partagé (DMP)

La traçabilité est essentielle : il faut que l’équipe pluridisciplinaire sache où trouver ces informations le moment venu.

  • Au-delà de la traçabilité : relancer régulièrement la conversation

Les volontés peuvent évoluer avec le temps et l’état de santé. Il est donc recommandé de rouvrir cette discussion périodiquement, notamment en cas de dégradation de l’état du résident. Cette démarche permet de s’assurer que les directives anticipées restent conformes aux souhaits actuels de la personne.

Pour aller plus loin : former les équipes à ce dialogue sensible

Parler des directives anticipées ne s’improvise pas. Les professionnels ont besoin de repères juridiques, d’outils concrets, mais aussi d’un espace pour apprivoiser leurs propres émotions face à la mort.

C’est pourquoi Happy End propose la formation « Informer de façon adaptée sur les directives anticipées », spécialement conçue pour les professionnels intervenant en EHPAD, EHPA, services de soins palliatifs ou accompagnement de fin de vie.

Objectifs de la formation : comprendre le cadre législatif et les droits du patient, identifier les rôles de la personne de confiance et de la famille, savoir animer un entretien autour des volontés de fin de vie, utiliser des supports ludiques comme le jeu “Deux minutes pour une Happy End” ou des ateliers d’écriture, et développer une posture d’écoute, de respect et d’humilité.

Pour en savoir plus
👉 Découvrir la formation : Informer de façon adaptée sur les directives anticipées

Parler, c’est déjà accompagner

Ouvrir la conversation sur les directives anticipées, ce n’est pas anticiper la mort ; c’est honorer la vie jusqu’au bout.

C’est reconnaître au résident sa pleine autonomie, offrir aux proches un cadre apaisant, et donner à l’équipe un fil conducteur dans les moments de doute.

Au final, un entretien bien mené, une question posée au bon moment, une carte tirée d’un jeu… parfois, il suffit de peu pour que les mots viennent. Et quand la parole circule, chacun – soignant, résident, famille – se sent un peu plus libre et un peu plus en paix.

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