Frédéric est décédé à l’âge de 54 ans des suites de la maladie de Creutzfeldt-Jakob diagnostiquée en juillet 2020. Une affection causant une détérioration progressive de ses capacités cognitives. Élodie, sa femme, l’a accompagné pendant trois ans. Trois années d’aidance marquées par l’amour. Elle raconte.
“Pendant le confinement, en mars 2020, mon mari travaillait énormément, ce qui lui causait beaucoup de fatigue. Il lui arrivait alors d’oublier certaines choses, mais rien de bien inquiétant au regard de la situation. Mais, avec le temps, ces absences devenaient de plus en plus fréquentes. Il oubliait ce que je lui disais, des articles au supermarché, et certains itinéraires qu’il connaissait pourtant par cœur. Ces oublis ont commencé à m’inquiéter.
À la sortie du confinement, je décide de prendre rendez-vous avec un neurologue. Après des examens pour évacuer toute suspicion d’AVC ou de tumeur, le médecin nous met en relation avec l’Hôpital Sainte-Anne à Paris pour des analyses d’Alzheimer précoce. Une ponction lombaire est finalement réalisée. Le verdict tombe : Frédéric est atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. La même qui a emporté plusieurs membres de sa famille. Il n’existe encore aucun traitement.
L’envie de profiter de la vie jusqu’à la fin
À l’annonce du diagnostic, mon mari s’est subitement mis à pleurer, complément anéanti. De mon côté, je voulais rester positive, nous allions nous battre !
La particularité de la maladie de Creutzfeldt-Jakob est son fonctionnement par paliers. Pour mon mari, elle a débuté par une perte des repères spatio-temporels qui se sont aggravés. Il devenait alors impossible de le laisser seul chez nous, j’ai donc contacté le SAAD (Service d’Aide et d’Accompagnement à Domicile). Plusieurs auxiliaires de vie s’occupaient de Frédéric lorsque je travaillais.
Puis du jour au lendemain, en mars 2021, Frédéric n’a plus réussi à se lever. Avec l’aide de ses auxiliaires que j’adorais, nous avons mis en place son hospitalisation à domicile. Deux années rythmées par l’amour et le bonheur. Nous faisions tous en sorte d’insuffler la vie et la joie dans la maison. Je suis aujourd’hui convaincue que rester chez nous a contribué à le maintenir en vie plus longtemps.
Malgré la difficulté de mon rôle de conjointe aidante, je voulais qu’on en profite à fond.
La nécessité d’accompagner mon conjoint au seuil de la mort
Le 16 avril 2023, nous devions partir à Malte une semaine avec ma famille, l’occasion pour moi de m’accorder un peu de répit. En mon absence, les soignants de l’unité de soins palliatifs devaient prendre soin de mon mari.
Malgré les paroles rassurantes de l’équipe médicale, je ne parvenais pas à prendre de décision. Devais-je vraiment prendre cet avion et laisser mon mari ? Bien qu’il ne soit plus en capacité de parler, j’ai posé la question à mon mari. À travers son regard, il me disait de partir.
Malheureusement, une fois sur place, l’hôpital m’a appelé. Je suis rentrée en urgence avec le premier avion. Chaque heure qui me séparait de lui fut invivable.
La maladie avait franchi un palier supplémentaire. Nous ne parvenions plus à le nourrir correctement, car il faisait systématiquement des fausses routes. Son état se dégradait à vue d’œil.
L’unité de soins palliatifs nous a offert un au revoir magique
Pour que je puisse dormir auprès de lui, l’équipe de soins a installé un lit supplémentaire dans sa chambre. Pour la première fois depuis très longtemps, je pouvais à nouveau dormir sur son torse. Un geste anodin devenu impossible dans son lit médicalisé.
Jusqu’au bout, j’ai souhaité que ces derniers moments soient teintés de joie et de rires, mais je voyais bien que la force lui manquait. Pour éviter un acharnement thérapeutique, les médecins ont recommandé d’arrêter de le nourrir et de l’hydrater. Une décision qui m’a mise hors de moi, mais je devais m’y résigner pour son bien.
Nous avons vécu ces derniers jours dans une intimité et une complicité incroyable. L’équipe de soin mettait tout en place pour que nous nous sentions dans une bulle. Frédéric s’accrochait à mon regard en permanence, je sentais dans ses yeux un amour et une reconnaissance inouïs. C’est comme si nous vivions une dernière lune de miel.
Le 24 avril, j’étais à ses côtés lorsqu’il a rendu son ultime soupir, ma main posée sur son cœur, m’offrant son dernier battement de vie. Il est parti le visage serein. La mort ne me faisait plus peur, car elle devenait synonyme de tranquillité. Elle mettait un terme à sa souffrance. En faisant la promesse à mon mari de l’accompagner jusqu’au bout, je transcendais le passage vers l’autre rive. Pouvoir soutenir Frédéric de cette manière a énormément compté dans l’apaisement de mon deuil. ».
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