Parler de la mort aux enfants : le choc du silence et le poids des secrets


Laurence Brun, 53 ans, est thérapeute de deuil et formatrice professionnelle sur le deuil depuis 2014. Dans cette tribune, elle partage avec nous sa première rencontre avec le deuil, qui l’encourage à croire qu’il faut parler de la mort aux enfants.

La mort arrive rarement sur la pointe des pieds

J’ai 6 ans et demi et mon pépé meurt. C’est un homme bon, que je vois peu mais que j’aime beaucoup. Avec lui, j’ai de bons souvenirs. La mort arrive rarement sur la pointe des pieds. Ici, c’est le téléphone qui prévient, le ton de mon père qui change et son regard alarmé. La réponse à la petite fille qui demande pourquoi papa pleure : « Parce que pépé dort pour toujours ». Pas de sens, ça n’a pas de sens, ça tourbillonne, c’est tout noir, ça n’a pas de sens. Il est clair que les adultes autour de cette petite fille ont fait ce qu’ils ont pu et ils ont fait de leur mieux. Rien n’est simple dans ces moments-là !

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L’enfant ressent le climat émotionnel très particulier suite à la perte d’un proche

Aujourd’hui, on sait beaucoup de choses en ce qui concerne les enfants. Jusqu’à environ 8 ans, le concept de la mort, immuable et permanente, est inconcevable. Mais attention, car l’enfant va ressentir le climat émotionnel très particulier suite à la perte d’un proche. Il va souffrir de l’absence du défunt. Mais il ne peut pas conscientiser que c’est pour toujours. Je cite d’ailleurs très souvent cette petite phrase d’un enfant : « Est-ce qu’il est mort pour toute la vie ? ». 

La seconde chose que l’on sait aujourd’hui, c’est que l’enfant comprend les mots au premier degré. Ça donne les situations suivantes :

  • Il est parti : « Pourquoi il n’a pas dit au revoir et il revient quand ?« 
  • Elle est au ciel : « Comment on fait pour être au ciel ? Elle redescend bientôt ? »
  • Il s’est envolé : « Il y avait du vent ? Où est-ce qu’il a atterri ? »
  • Elle s’est endormie pour toujours : « Si je m’endors, je risque de ne plus me réveiller ? C’est inquiétant »
  • Il s’est transformé en étoile : « Whaouh ? Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est de la magie ? »
  • Elle nous a quitté : « Pourquoi ? J’ai fait quelque chose de mal ? Elle était fâchée ? Je peux faire quelque chose pour qu’elle revienne ? »

Oui, parce que l’enfant pense souvent qu’il y est pour quelque chose.

« Oui, il faut prononcer le mot mort »

Alors oui, il faut prononcer le mot MORT et demander à l’enfant ce qu’il signifie pour lui. Il faut parler de la mort aux enfants. Après, on pourra utiliser toutes ces expressions (sauf celle de dormir pour toujours si vous ne voulez pas que l’enfant devienne insomniaque !) S’il ne sait pas ce que la mort veut dire, soyez factuel. La mort, c’est quand le coeur ne bat plus, le corps et le cerveau ne fonctionnent plus. La personne ne ressent plus rien, ni douleur, ni faim, ni soif, ni froid, ni chaud… Et c’est pour toujours. Et entretenez le souvenir tout de suite, ça vous aidera.

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