Cet officiant laïque réinvente nos rites de séparation


Happy End : Comment devient-on officiant laïque ?

Pierre-Henri Thérond : Le déclic s’est produit en 2009. Un de mes amis est décédé à 36 ans d’un cancer foudroyant. Sa cérémonie, menée par un célébrant religieux, m’a ulcéré. Il servait sa soupe, comme s’il était sourd et aveugle au chagrin et aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants. Il n’a eu aucun mot pour eux. Et personne n’a pu réagir. Cette cérémonie se devait pourtant de célébrer notre pote mais aussi d’aider ceux qui restent… Je me suis documenté. A l’époque, le métier d’officiant laïque n’existait pas. Il n’y avait aucune alternative aux cérémonies religieuses en France, ni pour les mariages ni pour les enterrements. Or, quelles que soient les époques et les cultures, les hommes se sont toujours réunis pour célébrer ce qui les bouscule ou les dépasse. Il était temps d’offrir aux personnes non croyantes la possibilité de célébrer ensemble et de façon personnalisée un enterrement.

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Happy End : Quels sont les ingrédients d’un enterrement laïque réussi ?

Pierre-Henri Thérond : Lors d’un enterrement, mon rôle est de construire un moment qui permette aux familles de cheminer dans leur deuil. Je ne peux pas leur ôter la douleur mais lui donner un sens… Cela passe par des rituels de séparation, des moments de recueillement, la lecture d’un texte que j’écris à partir d’entretiens avec au moins cinq membres de l’entourage du défunt… Cette éloge funèbre permet de le faire revivre quelques instants, d’honorer son existence.

Happy End : Qui sont vos clients aujourd’hui ?

Pierre-Henri Thérond : Je suis souvent consulté par des personnes qui veulent organiser leurs propres funérailles. Ce sont des gens qui ont été déçus ou contrariés par une cérémonie « sans âme » d’un de leur proche. En préparant leur départ, ils souhaitent garder la main, être acteur de leur dernier adieu, et s’adresser d’une manière qui leur est propre à ceux qu’ils aiment. J’accompagne aussi des familles pour qui il est primordial de personnaliser la cérémonie à l’image du défunt, d’en faire un moment fort. Tous cherchent à donner un sens qu’ils n’entendent plus ailleurs, à travers un rite de passage personnalisé.

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Happy End : Comment se forme t-on comme officiant laïque ?

Pierre-Henri Thérond : Dès l’âge de 17 ans, j’ai voyagé à travers le monde. J’ai découvert la façon dont on honorait les morts et les vivants en Inde, à Tahiti, dans les tribus Amérindiennes au Canada, en Indonésie… Dans ma pratique, je me nourris de toutes ces découvertes. J’ai aussi suivi deux formations d’officiant laïque en Angleterre. Il faut apprendre à écouter, à poser les bonnes questions, à écrire un éloge funèbre et à construire une cérémonie en incluant l’ensemble de la famille, sachant qu’elle n’est pas toujours d’accord…

Happy End : Une cérémonie vous a t-elle particulièrement marquée ?

Pierre-Henri Thérond : J’ai le souvenir d’une cérémonie de trois heures en hommage à un grand bourlingueur. C’était un marin et un montagnard… La mairie nous avait prêtée une salle de la MJC. Nous avons créé une scène avec des objets qui le caractérisaient et qui lui étaient chers. Une maquette de bateau, sa paire de skis. Le tout, placé devant son cercueil et la cheminée, mis en lumière par son frère technicien déco. Un groupe tzigane a joué le temps de la cérémonie. C’était magnifique !

Pour en savoir plus : Gracefully, officiant laïque pour les enterrements, les mariages et les naissances. Prestation aux alentours de 2 000 €.

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