“20 ans plus tard, j’ai réussi à faire le deuil de mon enfant”


À la suite de deux fausses couches, Anne donne finalement naissance à son premier enfant, mais tout ne se déroule pas comme prévu. Né presque inanimé, son bébé passera plusieurs minutes sans oxygène, ce qui affectera irrémédiablement ses fonctions vitales. Une situation qui poussera Anne et son ex-mari à prendre la décision la plus difficile de leur vie : écourter l’existence de leur fils. Un deuil périnatal qu’Anne enfouira pendant 20 ans. Elle raconte.

Après une grossesse sans complication, je donne naissance à Merlin le 17 septembre 2003. Dans la salle d’accouchement, ne résonne que le silence. Mon bébé n’a jamais poussé son premier cri. Merlin est vite amené aux urgences et placé sous assistance respiratoire. Malheureusement, ces longues minutes passées sans oxygène ont gravement affecté ses fonctions vitales. 

Prendre la décision de dire au revoir à notre bébé

Rapidement, les médecins et les psychologues nous font comprendre que Merlin ne pourra jamais vivre par lui-même, nous invitant avec bienveillance à envisager l’arrêt de l’aide respiratoire. Une décision difficile à prendre alors que nous nous battons depuis des années pour avoir un enfant. Le 20 septembre, nous prenons la décision de ne pas nous acharner et de laisser partir notre fils

Au cours des trois jours où il est resté en vie, l’équipe médicale nous a proposé de le prendre dans nos bras et de le masser pour nous connecter à lui, ce que j’ai accepté.

Les affaires prévues pour sa sortie de la maternité ont finalement été ses premiers et derniers vêtements.


Nier l’existence de notre fils pour tenter de passer à autre chose

Avant notre retour à la maison, ma mère a proposé de vider la chambre qui devait accueillir notre fils, ce que nous avons accepté. Nous souhaitions passer rapidement à autre chose.

À l’époque, nous n’avons pas souhaité organiser un enterrement public. Personne ne le connaissait. La présence de nos proches n’avait donc, à nos yeux, pas de sens… Le funérarium nous a remis son urne le jour de la mise en caveau. 

Enterrée dans le caveau familial de mon ex-mari, aucune date ne fut gravée sur la tombe, effaçant ainsi ces quelques jours de vie. Cela a été notre première erreur, nous n’imaginions pas l’impact que cela aurait sur nous.

Notre envie de devenir parents prenait une place si grande que nous refusions la mort, elle ne provoquait en nous qu’un profond sentiment d’injustice. Pour autant, parler de Merlin n’a jamais été tabou, mais je me rends compte aujourd’hui que je mettais énormément de distance sur ce que je ressentais.

La naissance de mon fils en 2005, puis de ma fille en 2007, après deux grossesses difficiles, marquait un trait sur le passé, enfin, c’est ce que nous pensions.

Rouvrir le caveau 20 plus tard et pouvoir enfin vivre mon deuil

Le 4 décembre 2023, la grand-mère de mon conjoint est décédée. Je n’ai pas réalisé tout de suite que le caveau familial allait alors être rouvert. C’est seulement à la lecture d’un texte écrit par ma fille pour l’enterrement, qui faisait mention de Merlin, qu’a eu lieu le déclic. 

La date fatidique approchant, je redoutais la manière dont j’allais accueillir ce moment.

Le jour des obsèques, la famille de mon ex-mari est présente. En discutant avec le père de mes enfants, je découvre qu’il n’est jamais retourné sur la tombe de Merlin et qu’il ne lui reste aucun souvenir des funérailles. De mon côté, j’essayais de venir régulièrement me recueillir.

20 ans plus tard, j’ai enfin vécu l’enterrement de mon fils

Quand le caveau a été ouvert, le nom de Merlin était inscrit sur la pierre tombale et tout le monde savait qu’il s’agissait de notre bébé décédé 20 ans plus tôt. 

Dans un élan de douceur et d’amour, quelques personnes sont venues m’embrasser et me glisser un petit mot bienveillant. C’est là que j’ai compris que nous étions en train de vivre pour la première fois l’enterrement de Merlin. Enfin, il prenait toute sa place dans notre histoire familiale et nous pouvions entamer notre processus de deuil. 

Comprendre que célébrer la mort et le seul moyen d’acter la vie

Depuis cet enterrement, j’ai l’impression que les choses sont désormais en ordre. 

Aujourd’hui, je comprends pleinement l’importance que jouent les rituels dans le travail de deuil. 

Pour trouver la paix, il est parfois nécessaire d’assister aux funérailles. Entouré par ceux que nous aimons, nous pouvons ainsi marquer la fin de la vie du défunt dans la douceur. C’est la seule manière d’intégrer pleinement l’information. Car aussi brève que fut son existence, c’est en l’enterrant une seconde fois que la vie de Merlin a véritablement pu s’inscrire dans ma vie. ».

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Deuil périnatal