Une robe d’été pourpre pour l’éloge funèbre
La première fois que j’ai lu un éloge funèbre, c’était pour la mort de ma grand-mère. Je portais une robe pourpre. Une robe d’été. J’avais choisi de bouder le noir. Il faisait beau et ça ne collait pas avec l’idée que je me faisais de cette vieille femme tout juste arrivée dans son « Paradis » ! En guise de louange, j’ai lu le poème que j’avais écrit. Ma voix a vibré dans l’église. Elle hésitait à produire l’effort nécessaire pour finir la phrase ou s’éteindre dans un sanglot. J’étais triste et gaie à la fois. Je me sentais absorbée par l’épaisseur de son absence, et soulagée aussi (que ses souffrances aient enfin cessé…)
Lui donner le droit de partir pendant la veillée
Plus tôt, ce vendredi soir, j’avais appelé mon père pour lui annoncer que je les rejoindrais pour le week-end. Je savais que ça n’allait pas fort. Il m’a donné les nouvelles : « pas bonnes »… J’avais à peine raccroché que d’anciens souvenirs m’ont rattrapée. Douloureux… Des souvenirs d’expériences précédentes où je n’avais pas les mots (les « mots qui libèrent… »).
Alors, je l’ai rappelé ! Et je lui ai demandé de parler pour moi. De dire à Mimi, ma grand-mère, « qu’elle avait le droit de partir, si elle le voulait, qu’on était prêts et que, sinon, on était là, à ses côtés ». Il se trouve que c’est cette nuit-là qu’elle s’est envolée.
Une lumière incroyable sur son lit de mort
Quand je suis arrivée le samedi matin, le soleil inondait la pièce ! Les rideaux jaunes projetaient une lumière incroyable sur son lit de mort… A mes yeux, ma grand-mère avait toujours eu une aura de sainte, et la voyant là, baignée de lumière dans ce silence religieux, j’ai souri !
Mon père, lui, était exténué… Il vivait avec elle depuis plusieurs mois. « A cause » de moi. A cause d’une étrangeté… Je manque parfois d’audace, mais pas cette fois-là. Le jour où, quelques mois plus tôt, j’avais rendu visite à ma grand-mère à l’hôpital. Je me souviens très bien de cet instant. Quand je suis entrée dans sa chambre. Elle était seule. Elle dormait. Et il y a eu comme une « fulgurance ». J’ai « su » que c’était « La Fin ». Qu’elle allait nous quitter… J’ai pris mon courage à deux mains pour en parler. Mais pour mes tantes, ce n’était pas entendable. Mon père, lui, m’a regardée avec attention. Il m’a crue. Je ne savais pourtant pas moi-même « d’où » ça sortait ; ça ne reposait sur « rien » d’autre qu’une intuition !
« Savoir » avant de savoir…
Je lui suis toujours reconnaissante d’avoir cru en moi, par-delà moi-même ! Il a tout quitté pour aller s’installer chez elle. Il voulait être là pour les derniers instants. Je crois que c’est cette expérience « d’accompagnement » en fin de vie qui m’a ensuite inspirée professionnellement.
De cette traversée, il est ressorti épuisé. Et à la fois, « empli » de tout ce qu’ils avaient partagé.
Aussi, quand je l’ai rejoint à sa mort, je lui ai proposé de prendre le large. Il est parti à l’hôtel.
Et je suis restée avec elle.
Veiller l’une sur l’autre
Je n’avais pas « peur ». J’avais « besoin » d’être là. Besoin de prendre ce temps de l’adieu qui m’était nécessaire pour desserrer, défaire (en partie), ce lien précieux qu’elle avait tissé avec moi. Je ne sais pas « qui a veillé qui » ?! Si c’est moi qui a veillé sur elle, ou l’inverse ? Toujours est-il que cette expérience ultime m’a enrichie. M’a apaisée. M’a grandie.
C’était comme un dernier « présent » que l’on s’offrait.
Et je ne suis pas prête de l’oublier !