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Choisir encore…

La mort.

J’essaie de me remémorer les moments où j’y ai été confrontée.

Enfant, adolescente et jeune adulte, j’ai été confrontée à la mort mais, émotionnellement, je n’ai jamais été trop meurtrie. Jusqu’à ce qu’elle s’invite au sein même de mon corps.

Une réalité à laquelle je n’avais même pas songé s’abat sur nous : la fausse couche 

Je suis dans le début de la trentaine, jeune, en bonne santé et enceinte. Naïve et pleine d’illusions sur la grossesse, une réalité à laquelle je n’avais même pas songé s’abat sur nous : la fausse couche. C’est un véritable choc. Jamais je n’aurais imaginé que ma grossesse puisse se terminer ainsi. Dans mon esprit ingénu, ce n’était que des moments heureux à vivre.

Une fois la sentence définitive prononcée, tout s’accélère. Le sablier a été tourné, les grains de sable glissent rapidement, il faut faire vite. Décider. Décider sur un sujet qui m’est imposé. Que je n’ai ni choisi ni voulu. Et je ne sais pas quoi faire. Les médecins me donnent deux alternatives : pilule abortive ou curetage, sans vraiment m’expliquer l’impact sur mon corps, sans détails. Une seule phrase en guise d’explication sur chacune des méthodes. C’est tout. Et je dois décider avec « ça », c’est-à-dire avec rien.

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Je chemine sans me rendre compte vers l’acceptation de ce qui est et que je ne peux changer 

J’ai la chance de croiser le chemin d’une sage-femme. Elle m’écoute. Elle est avec moi depuis le début. De la suspicion de fausse couche, à une grossesse qui semble être évolutive, à l’attente interminable, à la grossesse arrêtée. Alors qu’il me semble qu’il n’y a plus rien à ajouter, je passe deux heures au téléphone avec elle. Deux heures cruciales d’échanges sur ce que je veux faire comme choix. Car j’ai la chance d’avoir le choix. Elle m’explique tout. Les avantages et les inconvénients de la pilule abortive, du curetage (dont le terme me fait frémir), et d’une troisième méthode dont on ne m’avait pas parlé ou seulement du bout des lèvres : ne rien faire et attendre.

Je prends conscience que rien ne presse, que ma vie n’est pas en danger, que rien ne m’oblige à suivre la course folle du sablier recommandée par le corps médical. Je peux prendre le temps d’appréhender la perte de mon bébé. Et je peux me préparer à l’idée de le perdre physiquement. Les jours passent, je chemine à travers le deuil de cette fausse couche, sans même m’en rendre compte, et vers l’acceptation de ce qui est et que je ne peux changer.

C’est lors d’un trek en autonomie que ma fausse couche s’est achevée

Après cette discussion avec ma sage-femme, mon mari et moi décidons de maintenir nos vacances en Islande. Nous avons besoin de partir, de nous évader. Et c’est une terre absolument incroyable sur laquelle nous arrivons. Les paysages sont magnifiques et surprenants : la montagne fume, la boue bout à gros bouillon dans des marres et l’eau jaillit sous forme de geysers. J’ai parfois le sentiment d’être sur une autre planète.

Nous visitons ce pays dans lequel la nature est très respectée et même sacrée. Et elle a eu un rôle clef dans ma manière de vivre les choses. C’est après m’être délassée pendant une heure dans une source d’eau chaude que les saignements ont commencé et c’est lors d’un trek en total autonomie que ma fausse couche s’est achevée.

Je connaissais les cas d’urgence et je savais que tout allait bien. J’étais sereine, à l’écoute de mon corps et de mes sensations que je partageais au fur et à mesure avec mon mari. Je n’étais pas seule. Je vivais les choses en pleine conscience et j’étais prête à les vivre physiquement et psychologiquement. Durant tout le processus, je n’ai éprouvé ni crainte, ni dégoût, ni colère, ni sentiment d’injustice. J’avais accepté.

Je vivais un processus naturel au milieu d’une nature à l’état pur. J’étais là où je devais être. Et cela avait à mes yeux un côté poétique.

À lire : 7 idées de rituels pour traverser un deuil périnatal

Prendre le temps d’être à mon écoute pour accepter et dire au revoir à ce bébé a été clef

On dit souvent que le deuil est un cheminement et qu’il prend du temps. Ce sont deux notions centrales dans mon histoire auxquelles je rajouterai celles de choix et d’accompagnement. Si j’ai vécu le deuil de cette première fausse couche de la moins mauvaise manière qui puisse être, c’est parce que j’ai pu faire les choix qui me correspondaient. J’ai pu échanger, partager mes ressentis, prendre les décisions qui me semblaient être les plus adaptées à ce dont j’avais besoin à ce moment-là de ma vie. Ne pas me précipiter sur une solution médicalisée mais prendre le temps d’être à mon écoute pour accepter et dire au revoir à ce bébé a été clef.

Il n’y a pas une méthode meilleure que l’autre (pilule abortive, curetage, méthode naturelle) mais il y en a peut-être une qui vous correspond mieux et qui vous aidera à vivre les choses de la manière la moins traumatisante possible.

Chaque histoire est unique. Même si la mienne a été teintée de désillusions et de peine, je garde aussi en mémoire de précieux et beaux moments qui font de moi la femme que je suis aujourd’hui.

Un mot sur l’auteur

Diane Léonor est mère de deux enfants. À la naissance de son premier bébé, elle suit son mari à l’étranger et décide de profiter d’une pause professionnelle pour écrire un récit où elle raconte son chemin vers la maternité, marqué par le deuil d’une fausse couche, puis deux, sujet encore trop tabou. Elle est également la créatrice du site et du podcast Gloria Mama, florilège d’interviews de professionnels et de témoignages sur la maternité à travers le monde. Elle invite les femmes à s’interroger, s’informer pour être actrice de leur grossesse et de leur accouchement. Son livre, « Deux corbeaux et une cigogne », publié aux Editions Michalon, est disponible en librairie et sur toutes les plateformes de ventes en ligne. 

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Commentaires

  • laetitia royant
    laetitia royant
    Le 06/07/22

    très beau témoignage….merci

Un commentaire

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