Canada : un complexe funéraire devenu lieu d’euthanasie suscite une polémique


Au Canada, les personnes souhaitant recourir à l’euthanasie peuvent désormais louer la salle d’exposition du salon funéraire Haut-Richelieu. Une initiative qui soulève des questions éthiques complexes, notamment celle de la monétisation de la mort.

Euthanasie au Canada : une procédure de plus en plus accessible ?

D’ici fin 2023, 8 % des Québécois décédés devraient avoir choisi l’aide médicale à mourir selon Le Monde. Au Canada, ce chiffre alerte la Commission sur les soins de fin de vie. En effet, si le pays recensait 63 recours à l’euthanasie en 2015-2016, la procédure concernait 3 663 personnes en 2021-2022 selon Généthique.

Deux modifications dans les critères de sélection des profils ayant recours à l’euthanasie ont rendu la procédure davantage, voire trop accessible :

  • En 2020 : la suppression du critère de « fin de vie ». Celui-ci impliquait que seule une personne déclarée médicalement en fin de vie pouvait recourir à l’euthanasie.
  • En 2021 : la suppression du critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible » qui impliquait que la mort allait dans tous les cas survenir naturellement en raison d’une pathologie.

Et si jusqu’à présent, l’hôpital ou le domicile représentaient les seules options de lieux pour cette procédure, Mathieu Baker, directeur du complexe funéraire Haute-Richelieu, s’est mis en tête de proposer une nouvelle alternative : l’euthanasie en salon funéraire.

« J’ai mûrement réfléchi à ce nouveau service pendant deux ans. Il demande beaucoup d’énergie et représente également un défi émotionnel pour notre équipe, mais nous sommes très fiers de le proposer. Il s’inscrit parfaitement dans ce que nous offrons déjà aux familles : des services qui leur ressemble. », explique Mathieu Baker au micro de Radio Canada

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Apaiser le dernier instant grâce à la personnalisation

Pour un coût de 700 $, les familles québécoises peuvent dire adieu à leur proche dans un cadre agréable et confortable. Elles sont libres de décorer la salle avec des photos ou des objets de leur choix. Elles peuvent aussi diffuser de la musique encore partager une dernière pizza en famille.

Puis, lorsque le moment est venu, un médecin vient pratiquer l’euthanasie, comme l’exige la loi au Canada. Lorsque les proches ont fini de se recueillir auprès du corps, le défunt est ensuite pris en charge par le complexe funéraire.

« Des familles nous faisaient remonter le sentiment d’être pressurisées lors d’une euthanasie en établissement de santé. Ce constat nous a donné envie de lancer ce service. Ici, elles prennent le temps de dire au revoir à leurs proches et repartent plus sereines. La somme sert à louer la salle et non à payer l’euthanasie, qui est un soin couvert par l’assurance maladie », précise Mathieu Baker au micro de Radio Canada

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Des réactions négatives des responsables politiques

« Pour nous, ce service est une évidence étant donné la demande croissante de recours à l’euthanasie. La procédure doit être facilitée pour les familles », affirme Mathieu Baker en réponse aux nombreuses réactions négatives suscitées par sa nouvelle proposition. En effet, la ministre de la Santé québécoise a exprimé son « grand malaise » face à cette pratique. D’autres personnalités politiques ont condamné cette pratique en la qualifiant d’illégale.

« L’aide médicale à mourir est un soin de fin de vie. Ce n’est pas un service qui peut être commercialisé. C’est pour ça que la loi est claire sur les lieux où le soin peut être fait, c’est-à-dire dans un établissement de santé, dans une maison de soins palliatifs ou à domicile » a affirmé l’ex-députée Véronique Hivon.

Toutefois, le 7 juin dernier, le projet de loi 11 visant à élargir la pratique de l’aide médicale à mourir a été adopté par l’Assemblée nationale du Québec. Celle-ci prévoit notamment d’élargir la permission de recevoir ce soin dans un lieu tiers, qui n’était pas prévu par la loi initiale. Selon le quotidien La Presse Mardi, la loi interdit également tout forme de « promotion ou publicité d’un bien ou d’un service fourni dans le cadre d’une activité commerciale en l’associant directement ou indirectement à l’aide médicale à mourir, de même qu’exiger toute somme liée directement ou indirectement à l’obtention d’une telle aide. » 

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